Un souverain puissant
Ce texte est extrait de GASTON FÉBUS ET LE CHÂTEAU DE PAU AU XIV° SIÈCLE par Véronique Rébé, responsable du secteur Actions pédagogique au Musée national du château de Pau
La vie et la politique de Gaston Fébus s’inscrivent résolument dans le contexte de la guerre de Cent Ans.
« Sa stratégie territoriale repose sur les conséquences du conflit pour l’un ou l’autre camp, conséquences dont il sait habilement jouer pour assurer son propre pouvoir. L’origine du conflit, ou plutôt son prétexte, est l’histoire d’une querelle dynastique entre France et Angleterre, deux royaumes aux zones d’influences parfois concurrentes.
La possession du duché d’Aquitaine par le roi d’Angleterre, pour lequel il devait prêter hommage au roi de France, avait déjà pu être problématique par le passé. Lorsque Charles IV, fils de Philippe le Bel, meurt en laissant le royaume sans héritier mâle, les tensions sont lentement ravivées. Alors qu’Édouard III d’Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, fait valoir ses droits de succession au trône de France, c’est le neveu du défunt souverain qui est désigné pour lui succéder, inaugurant ainsi, sous le titre de Philippe VI de France, la lignée des Valois. Pendant une dizaine d’années les relations entre les deux puissances se détériorent pour des raisons territoriales.
En 1337, Philippe VI prononce la commise*, c’est-à-dire la confiscation, de l’Aquitaine. Après trois ans de luttes pour récupérer son héritage, Edouard III prend le titre de roi de France à Gand et ouvre officiellement les hostilités.Les défaites se succèdent du côté français. Le 24 juin 1340 la flotte de Philippe VI est décimée à la bataille de l’Écluse, en Flandres. Le 26 août 1346 à Crécy, alors que les troupes françaises tentent de mettre un terme à l’avancée d’Edouard III en Normandie, les archers anglais écrasent leurs ennemis pourtant plus nombreux. Continuant sur sa lancée, Édouard III installe son armée devant Calais qui, au terme de onze mois de siège, finit pas capituler. Le 13 août 1347, six bourgeois, pieds et têtes nus, la corde au cou, remettent les clés de la ville. Après une trêve fragile imposée par la Grande Peste, le Prince Noir, fils d’Édouard III, débarque à Bordeaux et mène des raids dévastateurs jusqu’à Narbonne et en Languedoc. L’armée du nouveau roi de France sacré en 1350, Jean II le Bon, tente de l’arrêter à Poitiers. Mais les soldats français sont mis en déroute et Jean II est capturé le 19 septembre 1356.
L’instabilité politique et sociale agite la France pendant la longue absence du roi, et la guerre civile couve. Pendant la trêve, l’économie a périclité et les métiers de commerce sont désormais menacés. Les mercenaires désœuvrés se sont regroupés en grandes Compagnies qui pillent les campagnes. Enfin, Charles le Mauvais, roi de Navarre, petit-fils de Louis X le Hutin, beau-frère de Gaston Fébus et prétendant au trône de France a tenté de programmer un débarquement anglais qui n’a jamais eu lieu. Il est fait prisonnier. Dans cette France ruinée, l’autorité des Valois est contestée. Le Dauphin Charles se heurte au prévôt de Paris, Etienne Marcel, et aux amis de Charles le Mauvais. Lors des états généraux, il accepte la promulgation de la Grande ordonnance de 1357 qui prévoit un contrôle étroit des états sur la monarchie. Redoutant le retour de Jean II, Etienne Marcel fait libérer Charles le Mauvais, et le Dauphin ne peut qu’en prendre acte. Sa position est d’autant plus fragile que les états doivent trancher sur la question dynastique et risquent de faire du Navarrais le nouveau roi.Le traité de Brétigny, ratifié en 1360, est une première étape dans le règlement de ces conflits. Conscient des troubles qui déchirent la France, Jean II accepte de négocier sa libération avec les Anglais. Édouard III renonce à sa prétention au trône de France. En contrepartie il reçoit l’Aquitaine, la Gascogne, tout le Sud-Ouest de la France ainsi qu’une partie de la Picardie.
Les territoires de Fébus sont répartis dans les deux mouvances.La France se relève lentement sous le règne de Charles V. Le fils de Jean II est un homme cultivé qui compte entretenir le prestige du blason des Valois. C’est lui qui fonde la Bibliothèque Royale. Soucieux de redresser la situation politico-économique du royaume, il commence par renforcer la stabilité du franc et favorise ainsi les échanges commerciaux. Sa politique de grands travaux permet d’autre part de créer des emplois qui canalisent des populations susceptibles de rejoindre les Grandes compagnies. À partir de 1369 et jusqu’à la mort de Charles V en 1380, face à l’armée française nouvellement réorganisée et commandée par Du Guesclin, les Anglais perdent peu à peu leurs récentes acquisitions jusqu’à ne plus garder que Calais, Cherbourg et Bordeaux.Un mariage politique entre Richard II d’Angleterre et Isabelle, fille de Charles VI, accompagne la signature d’une trêve de vingt-huit ans en 1396. Mais les troubles internes à chaque royaume accélèrent la reprise des hostilités. En France, CharlesVI, sujet à des crises de folies, laisse rapidement le pouvoir effectif à ses oncles, le duc d’Anjou, le duc de Berry et Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne. Armagnacs et Bourguignons s’affrontent dans une guerre terrible qui laisse la France vulnérable face à d’éventuelles prétentions anglaises.
De l’autre côté de la Manche, justement, Henri de Lancastre force son cousin le roi à abdiquer et monte sur le trône en 1399 sous le nom d’Henri IV d’Angleterre. Il réaffirme aussitôt ses prétentions sur la France. Son fils, Henri V débarque en Normandie en 1415.Les combats reprennent dans une France déchirée. D’un côté, les archers anglais démontrent définitivement l’efficacité de leurs armes de jet contre les chevaliers. L’armée française est vaincue et le duc d’Orléans, neveu du roi et protégé des Armagnacs, est capturé. Les Bourguignons en profitent pour massacrer leurs ennemis à Paris sans se préoccuper de l’avancée anglaise. Malgré la riposte de l’Armagnac et l’assassinat de Jean-Sans-Peur, il faut négocier avec les Anglais. Ainsi, le traité de Troyes signé en mai 1420, fait d’Henri V le gendre de Charles VI et son héritier. Après la mort de son père en 1422, le régent anglais fait couronner Henri IV roi de France. La guerre prend fin sous le règne de Charles VII, fils de Charles VI, qui revendique dès 1422 le trône pour lui. Le traité de Troyes n’est reconnu que par les régions du Nord de la Loire, et l’entreprise anglaise est vite stoppée. La plus célèbre des partisans de Charles VII, Jeanne d’Arc, refoule l’armée d’Henri VI à Orléans, le 4 mai 1429. Le nouveau roi est sacré à Reims le 17 juillet de la même année. Malgré la capture de Jeanne d’Arc par les Bourguignons, sa vente aux Anglais et son exécution en mai 1431, la France regagne tous ses territoires. Privés du soutien des Bourguignons qui ont conclu une paix avec Charles VII en 1435, les Anglais abandonnent Paris, la Normandie et, finalement, l’Aquitaine en 1453. Seule la ville de Calais reste sous leur contrôle jusqu’en 1558. Ainsi, sans qu’aucune paix soit signée, la guerre commencée cent-seize ans plus tôt prend fin cette même année 1453. »
Gaston Fébus tirera son épingle du jeu pendant cette guerre en déclarant le Béarn souverain En effet pour le vicomté du Béarn, il ne portera allégéance ni au roi de France, ni au souverain Anglais.